sexta-feira, 8 de abril de 2011

Ali Abdalla Zion grièvement blessé par un bombardement allié. |


Fonte/Paris Match





Dans le service des grands brûlés de l’hôpital Al-Jala de Benghazi, il est le seul survivant. Autour de lui, 19 personnes sont mortes, tuées par un tir ami, une bombe larguée par un avion allié, peut-être français. Ali Abdallah Ziou, ancien étudiant en sciences politiques de 28 ans, a rejoint les rangs de l’insurrection par idéalisme. Avec ses copains, il a acheté un pick-up Toyota d’occasion, trois ­kalachnikovs et un lance-roquettes pour libérer son pays de la tyrannie.

Le vendredi 1er avril, il retrouve d’autres véhicules sur la route de Brega. Les « kadhafistes » sont embusqués sur une ligne de front qui n’en est pas une. Garés à côté d’Ali, un autre Toyota pick-up, deux Land Cruiser beiges, une berline Honda et un minibus ambulance. S’est joint à eux un pick-up Mitsubishi couleur argent, armé d’un canon antiaérien de 14,5 millimètres à tirs rapides. Ali connaît le conducteur, un jeune qui s’appelle Amza Ayed Allafi. Il habite à côté de la maison de son cousin Faraj, quartier Tavalino, près de l’université de Benghazi. Ali et Amza se retrouvent une nouvelle fois sur le front. A la tombée de la nuit, les insurgés entendent un vrombissement. L’avion semble assez bas. Ils n’ont rien à craindre car ceux de Kadhafi ne volent plus. Soudain, Amza tire une rafale d’une vingtaine de coups, puis une seconde de quatre. « Qu’est-ce que tu fais ? Tu es fou ! C’est un avion ami. » Au moment où le 4 x 4 argent démarre en trombe, les autres n’ont pas le temps de l’imiter que l’avion est sur eux, sûr d’avoir affaire à des « kadhafistes ». La bombe explose. Le blast soulève les ­véhicules qui n’ont pas été déchiquetés. Les caisses de munitions sont pulvérisées dans des gerbes d’étincelles.

Amza se retrouve sonné, la tête dans le sable, à plusieurs mètres. Une balle l’a touché au bras et au mollet droit. Il est brûlé au visage, aux bras et aux cuisses. Grâce à son gilet pare-balles, sa poitrine n’a rien. Il réussit à se traîner vers l’arrière. Il tombe sur d’autres insurgés qui se précipitent sur le lieu du carnage. Ils relèvent 17 morts plus 2 blessés qui décéderont à ­l’hôpital d’Ajdedabia. Ali, le miraculé, est transporté à Benghazi. Il ­raconte tout et donne le numéro de téléphone d’Amza. Mohammed, le frère, avertit l’armée et file à Ajdedabia pour retrouver le pick-up argenté. « Il vient de partir », lui disent les insurgés qui ne se doutent de rien. Mohammed téléphone alors à Amza : « On est sur la route de Benghazi », lâche le jeune. L’armée est prévenue. Au barrage de l’entrée de la ville, le pick-up est arrêté. « Pourquoi ­retournez-vous à l’arrière ? Avec votre canon, vous devriez être sur le front ! » demandent les volontaires. Amza ne sait que ­répondre. Il est arrêté avec ses comparses. Ils sont aujourd’hui ­incarcérés, soupçonnés d’être des agents de Kadhafi, comme il en existe des centaines dans la ville. Son père, son oncle et son frère étaient membres du comité révolutionnaire de la cité.

Les insurgés se souviennent qu’Amza tirait avec beaucoup de « traçantes », des balles qui laissent des traits rouges dans le ciel. Il tirait à tout propos, dévoilant les positions de ses camarades qui recevaient ainsi une pluie d’obus de l’ennemi. A Benghazi, la radio répète sans cesse qu’il ne faut pas tirer sur les avions alliés. Amza a-t-il sciemment voulu provoquer un carnage ? Il est aujourd’hui interrogé dans un lieu tenu secret. Pour lui, la vengeance des ­familles sera de toute façon synonyme de mort.

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